Maladies Auto-Immunes

On entend beaucoup parler des maladies Auto-Immunes chez le Bearded Collie. Nos beardies sont souvent appelés des « éponges émotionnelles »…  Le système immunitaire étant étroitement lié au centre émotionnel du cerveau, personne ne sera surpris d’apprendre que la race Bearded Collie semble être plus sensible que d’autres races à l’apparition de maladies Auto-Immunes.

Pour le moment, aucune étude sur le long terme n’a pu répertorier tous les chiens d’une génération et comptabiliser le pourcentage de maladies AI dans la population.

Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver parmi les nombreuses publications, les plus intéressantes étant soit en anglais, soit dans des thèses ou articles scientifiques très techniques. J’ai écrit cet article à partir de ce qui était connu en 2017.

© Michelle Jaouen

 

Une maladie auto-immune, qu’est-ce que c’est ?

Une maladie auto-immune, comme son nom l’indique, a rapport avec le système immunitaire.

Le système immunitaire protège l’organisme contre les agressions étrangères (physico-chimiques, ou d’organismes vivants). La peau est la première protection du corps.

Imaginez un château-fort, avec une première ligne de défense de sentinelles et de soldats messagers, et une deuxième ligne de défense, avec des soldats-mémoire, et des soldats-tueurs. C’est le système immunitaire.

Comme le château, il fonctionne avec deux systèmes de défense : le système immunitaire inné et le système immunitaire adaptatif.

Le premier à activer les défenses est le système immunitaire inné. Il agit dès l’intrusion d’un agresseur (bactérie, virus ou autre), en faisant appel à différents types de cellules et protéines qui vont organiser une réaction inflammatoire. Ces cellules sont capables de reconnaître un danger grâce à des capteurs spécifiques, les antigènes. Cette intervention va déclencher la mise en service de nombreuses protéines, enzymes, et anticorps naturels qui vont se lier aux antigènes pour neutraliser l’agression.

Comme cette première ligne de défense n’a pas de mémoire, les cellules qui ont détruit l’agresseur vont en fixer un fragment sur leur membrane, grâce à des molécules spécifiques appelées « Complexe Majeur d’Histocompatibilité » (= CHM). Ces cellules iront présenter ce fragment (appelé peptide antigène) à la deuxième ligne de défense, les lymphocytesT et les lymphocytes B, du système immunitaire adaptatif. Celui-ci, plus lent à se mettre en place, se souvient pour toujours de l’antigène qui l’a alerté. Les lymphocytes sont spécifiques d’un seul antigène. Quand un lymphocyte apprend que l’antigène qu’il a mémorisé est entré dans le château, il part immédiatement à l’attaque, sans passer par la première ligne de sentinelles ! C’est le principe de la vaccination : introduction d’un virus inactivé, réaction des antigènes, mémorisation dans le système immunitaire et lors d’une agression réelle, attaque immédiate par les lymphocytes pour empêcher la maladie.

 

Quand le système fonctionne à fond, mais se trompe, une maladie Auto-Immune se déclare: les cellules pensent attaquer un agresseur étranger, mais en réalité elles s’attaquent aux propres cellules du corps. Ces maladies peuvent être extrêmement diverses, mais l’on peut les classer en deux groupes : celles qui attaquent un seul type de cellules sont les maladies AI spécifiques, comme la SLO qui s’attaque uniquement aux griffes, l'anémie hémolytique qui touche uniquement la surface des globules rouges, la maladie d’Addison qui affecte les cellules des glandes surrénales. Les maladies AI systémiques atteignent une région entière du corps et même parfois plusieurs en même temps (lupus érythémateux disséminé (SLE), polyarthrite rhumatoïde, et beaucoup d’autres).

Il faut préciser que les allergies ne sont pas des maladies AI. Il y a réaction inadaptée à un élément extérieur, mais pas d’attaque du système immunitaire contre son propre corps.

 

Pourquoi une maladie AI apparaît-elle chez un chien ?...

Les maladies AI sont dites « complexes », et au fur et à mesure des recherches, les scientifiques s’aperçoivent qu’elles sont encore plus complexes que l’on imaginait. Pour le moment, on ne sait toujours pas pourquoi le système immunitaire se met en erreur et mémorise des parties du « soi » comme étant étrangères.

Ce que l’on sait, c’est qu’il faut un terrain génétique favorable. Il sera donc apporté par la génétique du chien, et en particulier par les nombreux gènes qui régissent le système immunitaire. 

La transmission d’une maladie auto-immune, ce n’est pas une hérédité classique avec des « porteurs  sains » ou des chiens malades, c’est vraiment très compliqué. Il y a obligatoirement « génétique + environnement » au sens large.

Les scientifiques pensent  que pour déclarer une maladie auto-immune, un chien doit posséder une quarantaine de gènes qui travaillent ensemble. Pour simplifier, ces gènes codent pour fabriquer des protéines particulières, ou pour ne pas les fabriquer, c’est selon.  On ne sait pas quels sont ces gènes pour le moment ! Ils ne sont pas les mêmes pour une maladie ou une autre, ni d’une race à l’autre. De plus, certains de ces gènes sont liés à l’apparition d’une maladie, tout en protégeant l’individu contre une autre maladie!...

 

Un chien peut avoir pris 10 gènes de sa mère, 30 de son père, dans ce cas, il a les 40 gènes qui  lui donnent le risque. Son frère pourra avoir pris seulement 2  gènes de sa mère et 15 de son père. Dans ce cas, ce frère n’aura aucun risque d’avoir une maladie auto-immune.

Mais le chien qui a ses 40 gènes qui le prédisposent à une maladie AI ne tombera malade QUE s’il rencontre un ou plusieurs déclencheurs de la maladie: c’est-à-dire quelque chose dans la vie, dans l’environnement, du chien. Sans déclencheur, pas de maladie ! Malheureusement, on ne sait pas non plus quel déclencheur est dangereux pour un chien… Les facteurs déclencheurs sont très nombreux et  très variables d’un chien à un autre.

Ça peut être lié à l’alimentation, la vaccination, les chaleurs chez une chienne, ou l’excitation à cause des chaleurs de la copine pour un mâle, un accident, une maladie virale, le mode de vie, les pesticides, la pollution, la météo (trop chaud, trop froid…), et tout ce qui provoque un stress fort ou chronique (avoir une portée, subir une patte cassée, un déménagement, une relation compliquée dans la famille où il vit…). Il y a du choix ! On ne peut pas deviner car chaque chien malade a un (ou plusieurs) déclencheur propre.

 

Les chiens déclarent les maladies auto-immunes plus ou moins tardivement, souvent jeunes, parce que leur système immunitaire est très actif. En se remémorant les 3 mois précédents, on peut quelquefois découvrir quel était le déclencheur.

Malheureusement, il n’y aura pas de test possible pour aucune maladie auto-immune avant des dizaines d’années, s’il y en a un jour!

 

Que peut-on faire ?

 En tant qu’éleveur, la seule chose dont on est sûr, c’est qu’on ne doit pas utiliser un chien qui a été malade, ni reproduire le mariage qui l’a fait naître. Quant à ses parents, et ses frères et sœurs s’ils sont en bonne santé, ce serait peut-être une erreur de ne pas les utiliser, à condition de le faire avec intelligence.

On connaît des lignées plus « fragiles », des accouplements plus risqués, mais aussi des éleveurs qui savent cacher des secrets, et pas seulement en France. Il faut comprendre que les maladies auto-immunes sont compliquées à diagnostiquer, douloureuses pour les chiens, éprouvantes pour les propriétaires. Les éleveurs se sentent à la fois responsables (coupables ?), et impuissants, puisque pour le moment, aucune solution ne leur est apportée. On ne peut pas leur en vouloir d’être mal à l’aise d’avoir fait naître un chiot qui tombe malade deux ou trois ans plus tard. Mais un éleveur digne de ce nom sera toujours présent pour soutenir les propriétaires d’un chiot né chez lui si une maladie arrive.

Il y a au départ une question de sensibilité génétique, avec des habitudes de mariages en consanguinité serrée qui perdurent depuis 50 ans. Les éleveurs doivent absolument modifier ces méthodes d’élevage délétères pour la race.

Mais on peut aussi essayer d’agir sur certains déclencheurs qui font apparaître la maladie. Dr Jutta Ziegler, Dr Jean Dodds et bien d’autres, accusent le mode de vie : alimentation, sur-vaccination, antiparasitaires, plus toutes les pollutions que subissent nos chiens, d’être le déclencheur ou la cause de la plupart des maladies de nos chiens (souvent sur un terrain génétique favorable). Turid Rugaas pour sa part est convaincue que le stress est l’élément primordial qui permet au système immunitaire de s’emballer.

 

Le stress (qu’il soit lié à l’inquiétude ou à l’excitation) est toujours le facteur aggravant d’une maladie AI. Je suis persuadée qu’un chien, s’il a appris à s’autogérer en situation de stress, aura moins de risque de tomber malade après un contact avec un déclencheur. C’est donc sur ce point essentiel que les éleveurs et plus tard les propriétaires des chiens doivent travailler.

De nombreux exemples prouvent également que l’amour porté à un chien malade le soutient et l’aide à combattre avec force contre la maladie.

 

©Michelle Jaouen

 

Pour continuer… en anglais :

Pour apprendre : http://bearded-collie-breed-protection.com/

Et si vous avez un chien qui tombe malade, Jo Tucker en GB  a ouvert un forum d’entraide très efficace : http://cimda.co.uk/